by Claude-Charles Feÿs, photos Raoul Verbist
La salle d'orfèvrerie impériale russe du Musée Royal de l'Armée et
d'Histoire Militaire de Bruxelles
(deuxième partie)
Descriptions et photos d'une partie des pièces exposées
Descriptions réalisées d'après les documentations du musée établies
par des membres et historiens du musée, de la SRAMA et des explications
données par les guides lors des visites guidées
((Photos prises dans la salle de préparation du Musée; dans les vitrines
du Musée et à Courbevoie, Paris, au siège de l'Amicale des Cosaques de
la Garde)
Photos copyright Raoul Verbist, membre de l'ASCAS et de la SRAMA.
Le prestigieux bol à punch en argent et vermeil lors de sa
restauration
Détails du bol à punch avec les trois vainqueurs de la bataille
de Leipzig sur Napoléon 1er, Empereur des Français en 1813:
le Tsar Nicolas 1er, l'Empereur d'Autriche et le Roi de Prusse
D'un poids total de plus de 50 kilos, ce bol à punch (ou une
soupière d'après certaines personnes) est l'œuvre de l'orfèvre impérial
Ovtchinnikov l'un des plus prestigieux de la Russie des tsars. Réalisé
par coulage, dans un moule perdu, il constitue une pièce unique. De
style outrageusement chargé de rocailles rappelant les courbes et motifs
de style Louis XIV et Louis XV, il contraste vraiment avec le style
tellement plus léger préfigurant une forme d'art nouveau tel qu'on
l'appliquait déjà en Russie à cette époque sur certaines pièces
d'orfèvrerie.
Ce bol est orné de peintures sur porcelaine représentant les derniers
tsars de la dynastie des Romanov dans des uniformes scrupuleusement
peints, ainsi que des scènes de la Bataille des Nations à Leipzig en
1813, notamment la charge glorieuse des cosaques. L'intérieur du bol est
doté d'une cuve amovible en vermeil. Il provient du mess des officiers
des Cosaques de la Garde à Saint-Pétersbourg et fut réalisé sur commande
par Ovtchinnikov pour fêter le centenaire de cette bataille
napoléonienne. L'arrière de la coupe reprend les noms de tous les chefs
de corps et leur date de prise de commandement. On notera, sur la face
avant, la croix de l'ordre de Malte dont le tsar Pavel Ier était Grand
Maître et qui figura sur l'étendard remis au régiment par cet empereur.
Cette croix de Malte fut l'insigne régimentaire institué le 14 septembre
1911. La base de cette remarquable pièce d'orfèvrerie est ornée de
petits trophées composés d'armes parfaitement imitées ainsi que des
trompettes et des coiffures. On retrouve les poinçons de l'orfèvre
frappés à différents endroits du bol et de son couvercle.
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Le grand bol de Fabergé en argent et vermeil
Cette pièce d'orfèvrerie n'est pas très représentative du style de
Fabergé. On est loin de ses petits objets colorés utilisant toutes les
techniques de l'orfèvrerie qui sont splendides, fins, équilibrés. Ici
nous nous trouvons en présence d'une pièce assez lourde qui a
probablement été fabriquée en plusieurs exemplaires qui étaient, à la
demande, gravés de textes pour l'occasion. Ce bol a été fabriqué en
partie à la machine mais achevé et poli à la main. N'oublions pas que
Fabergé, qui employait plusieurs milliers d'artisans dans ses différents
ateliers, faisait aussi de l'orfèvrerie ordinaire : des plats, des
couverts, des bols etc.… Seuls certains de ses artisans étaient attachés
à la fabrication d'œuvres plus particulières tels les oeufs décorés, les
cadres, les tabatières, les personnages, les poudriers, les bijoux, les
boites etc...
Les trompettes en argent et vermeil
Au nombre de 22 elles sont en argent mais ne sont pas l'œuvre d'un
orfèvre mais bien d'un facteur d'instruments de musique du nom de Romo.
En effet, il est courant de fabriquer des trompettes ou des flûtes
traversières en argent ou en maillechort argenté, l'argent leur donnant
une sonorité exceptionnelle.
Ce qui est moins courant c'est que celles-ci sont décorées, gravées et
dotées de parties vermeillées signalant par là qu'il s'agit avant tout
de trompettes d'honneur. Elle possèdent de plus leurs cordons et floches
d'origine et, ce qui est étonnant, c'est qu'elles sont dotées des
accessoires permettant d'en modifier les octaves. C'est la preuve
qu'elles n'ont pas été fabriquées que pour la décoration mais aussi dans
le but de servir, pour jouer éventuellement la Marche Nuptiale de
Mendelssohn, marche régimentaire des Cosaques pour peut-être commémorer
le centenaire, en 1913, de la bataille de Leipzig puisqu'elle furent
fabriquées pour cette occasion. Chaque pièce d'octave possède un numéro
correspondant au numéro de la trompette.
Ces instruments sont de trois types et de dimensions différentes
permettant de constituer un véritable orchestre particulier. Comme les
autres pièces en argent de cette collection, elles possèdent les
poinçons de titre pour l'argent, soit 84 zolotniki, c'est à dire
.875/1000 d'argent fin et bien sûr, le poinçon du fabricant Romo.
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Les chandeliers
Aussi fabriqués par Ovtchinnikov ces grands et très lourds
chandeliers reprennent également des cosaques en tenue d'époque
Catherine II. Il faut noter que les cosaques figurants sur ces pièces se
retrouvent sur d'autres pièces de cette collection preuve que le moule
d'où ils sont sortis servit plusieurs fois. On peut aussi penser que
Ovtchinnikov s'était fait une spécialité en œuvres d'orfèvrerie à motifs
militaires.
A ces chandeliers il ne manque aucune bobèche, ce qui est extrêmement
rare, cet accessoire se perdant souvent. Je vous laisse deviner une
table superbement dressée dans le Mess des officiers cosaques à
Saint-Pétersbourg où trônent le bol à punch au centre, les chandeliers
de part et d'autre suivis chacun d'une coupe à fruits !
La coupe surtout de table en argent et vermeil
Avec son couvercle orné d'un aigle bicéphale et son intérieur en
vermeil, cette pièce est aussi due à Ovtchinnikov. Ornée de deux
cosaques en argent moulé dont un lancier, cette très belle coupe fut
offerte par les officiers du Régiment de Cosaques Atamansky de la Garde
au Mess des Officiers de la Garde de Saint-Pétersbourg à l'occasion du
centenaire de la Bataille de Leipzig en 1913. Elle est au titre de 84
zolotniki.
Le grand Kovsh en argent et vermeil
Un kovsh est un récipient à boire muni d'un manche sur le côté
évoquant l'aspect général d'un louche ou d'une cuiller à pot. Sculptés à
l'origine en bois avant le XIVe siècle, les kovsh devinrent vite des
présents d'honneur, comme celui-ci, abondamment sculptés et décorés de
motifs rapportés ou d'inscriptions. Le plus souvent l'extrémité opposée
au manche est terminée par un bouton sculpté ou un aigle russe à deux
têtes. Les plus précieux sont en or ou en argent avec des parties en
vermeil. Ce kovsh ci est orné de médailles et décorations russes
classiques telles que la médaille du tricentenaire des Romanov ou la
médaille commémorative de la guerre contre les Turcs entre autre.
Il s'agit d'un présent offert au Mess des Cosaques de la Garde de
Saint-Pétersbourg.
L'encrier au lancier
Cette pièce d'orfèvrerie, montée sur un socle de marbre, représente
un lancier en argent moulé, lance dressée avec étendard de régiment.
Elle est d'un titre de 84 zolotniki. Cette œuvre d'art fut offerte par
les officiers du Régiment des Lanciers de l'Impératrice au Général de
Sporé en 1911. Il y manque malheureusement un des couvercles
La coupe en argent et vermeil 'champlevé' avec couvercle imitant
du tissus
C'est la pièce de cette collection, inspirée du style byzantin, que
je préfère et c'est aussi la seule qui ait le titre d'argent le plus
élevé soit 91 zolotniki ce qui correspond à .947, 92 /000 d'argent fin.
C'est un titre relativement élevé pour la Russie mais plus courant en
France ou il correspond quasi au 1er titre à la même époque. Cette coupe
est aussi due à Ovtchinnikov et date de 1874. L'imitation du tissu la
recouvrant est parfaite et le motif, de type point de croix, a été
entièrement réalisé à la main. Différents fils d'argent soudés forment
des motifs gracieux agrémentés de parties très fines de motifs réalisés
en champlevé. Quant au bol lui même, il est le summum de l'art russe en
matière de simplicité et de grâce dans le motif qui fait penser à
certains bijoux aztèques. Le champlevé était une grande spécialité russe
et certains orfèvres ne réalisaient que des objets selon cette
technique. C'est surtout à Veliky Ustyug que se trouvaient les meilleurs
spécialistes de cette technique en Russie. Pour se faire, les objets
étaient gravés et on remplissait les gravures d'émail de différentes
teintes. Après l'insertion d'une couleur il fallait repasser la pièce au
four en évitant de l'y laisser trop longtemps afin de ne pas faire
fondre l'argent de base. Le cloisonné, autre technique russe qu'on
rencontre aussi en bijouterie, consistait à souder sur la pièce des fils
d'argent selon un dessin et formant des cloisons qu'on remplissait
ensuite de poudre d'émail coloré avant de repasser la pièce au four
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Couverts en argent utilisé au mess du Régiment des Cosaques
(Ces couverts font partie des souvenirs que les fils ou petits-fils
d'officiers Cosaques ou de Russes Blancs ont conservés à Courbevoie)
La coupe en argent datée de 1905
Cette très belle coupe en argent au titre de 84 zolotniki est ornée
de la croix de la 4eme classe de l'ordre de Saint-Georges, l'ordre le
plus répandu en Russie. Elle fut offerte au mess des Cosaques de la
Garde de sa Majesté l'Empereur en souvenir de la guerre russo-japonaise
de 1904-1905, d'où ses motifs décoratifs reprenant de très jolis
dragons.
Les œufs en porcelaine
La collection du musée possède une série d'œufs en porcelaine.
C'était une tradition russe que d'offrir des oeufs à Pâques. Qu'on pense
aux oeufs superbes et célèbres réalisés par Carl Fabergé que Nicolas II
offrait chaque année à Pâques à son épouse, l'Impératrice Alexandra
Feodorovna. Les Fabergés, anciennement Fabriguer, sont issus d'un
famille de Huguenots français émigrée en Russie Impériale lors de la
rédition de l'Edit de Nantes par Louis XIV, privant les protestants de
liberté. Leurs oeufs impériaux sont tous connus et répertoriés. Il s'en
trouvent dans les collections de plusieurs familles royales d'Europe;
dans certains musées russes et dans des collections privées telle la
célèbre collection de Forbes aux USA qui vient d'ailleurs de les vendre
et qui ont été achetés par un riche (très riche même) collectionneur
russe. Espérons qu'ainsi ils retourneront en Russie, pays de leur
origine et seront peut être présentés à l'Hermitage où à Tsarskoïé
Tsélo! Les oeufs que nous voyons ici ont été offerts chaque année à
Pâques par l'Impératrice Alexandra Feodorovna aux officiers des
Régiments Cosaques dont elle était colonel. Ils sont ornés des initiales
AF (Alexandra Féodorovna) écrites en vieux russe. Seul l'un d'entre eux
est aux initiales de Nicolas II. Ils sont tous munis de leur ruban
décoratif passant au-travers.
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Les divers gobelets à Vodka
La collection du musée possède aussi une jolie série de gobelets à
vodkas en argent et richement décorés imitant des coiffures militaires
de Cosaques, dont des Lanciers. Le plus beau d'entre eux,
malheureusement pas poinçonné, aussi en argent, est une mitre rehaussée
de vermeil rouge. Son style et sa réalisation très soignée font penser à
une œuvre de Fabergé. Il est bien certain que ces superbes objets
n'étaient pas jetés par dessus l'épaule gauche après avoir été vidés
d'un trait. Cette soi-disant coutume russe n'était pas de mise chez des
gens sachant convenablement se tenir en société ou faisant preuve de
bonne éducation.
Les louches en argent et vermeil
Ces louches à punch sont très belles, surtout l'une d'entre elles
d'un style digne de l'Art déco et très dépouillée.
Détail d'un Kovch en argent en forme de drakkar
Représentation de St Georges terrassant le dragon.
Détail d'un Kovch en argent et vermeil
Soucoupe en argent champlevé
La petite horloge
Elle est l'œuvre du maître orfèvre Sergeï Verkovtsev de
Saint-Pétersbourg comme en témoignent ses poinçons. Le titre est de 84
zolotniki attesté par le poinçon du contrôleur dont les initiales sont
D.CH
Elle fut offerte en hommage à un Général par ses officiers et ses
soldats. Elle a été restaurée par les étudiants de l'Académie des
Beaux-arts d'Anvers.
Les coupes à fruits en cristal
Toujours fabriquées par Ovtchinnikov en argent d'un titre de 84
zolotniki, elles sont ornées de cosaques réalisés en argent moulé dans
les tenues réglementaires portées par ces derniers à l'époque de
Catherine la Grande, c'est à dire Catherine II.
Photos copyright Raoul Verbist
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