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by Christophe Ginter
 
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UNE IMITATION DE POINCONS LOUIS XV (II)
L'exemple de Paris, 1768-1774

Parmi tous les objets de l'Ancien Régime français, ceux produits lors du long règne du roi Louis XV (sacré fin 1722 et décédé en 1774) sont victimes de contrefaçons diverses ou d’attributions frauduleuses plus nombreuses encore que pour toute autre époque. Il en est ainsi tout particulièrement du mobilier, mais aussi de l'orfèvrerie, et les faussaires affichent une grande prédilection pour les produits parisiens, toujours considérés comme plus prestigieux.

Heureusement, le fraudeur est le plus souvent assez ignorant, en tout état de cause toujours pressé, et il commet de nombreuses erreurs.

L'exemple ci-dessous illustre une nouvelle fois une erreur manifeste commise à l'occasion de l'imitation de poinçons français. L’objet en question est une coupelle lourdement ciselée, très loin du goût français de cette époque, attribuée à Paris 1768-1774.

La coupelle porte en outre un poinçon français d'importation du XIXème siècle. Le malheureux détenteur de cet objet se consolera en pensant que cette coupelle est cependant très vraisemblablement en argent massif.

Un poinçon permet l'identification de cette fraude, celui de la Charge de Paris employé de 1768 à 1774 (la Charge est un poinçon de nature fiscal frappé sur l’objet, engageant l’orfèvre à régler ultérieurement un impôt sur la pièce achevée et prête à être vendue).

Sont représentées ci-dessous divers modèles du poinçon authentique.
 

Schéma du poinçon de Charge, Paris 1768-1774

Depuis 1672, année de la mise en place de l'impôt sur l'orfèvrerie (le "Droit de Marque"), le poinçon de la charge parisienne emprunte toujours l'emploi de la lettre A, toujours couronnée et fortement stylisée. Ce poinçon est modifié environ tous les six ans. Sont illustrées ci-dessous diverses marques identifiant formellement cette période parisienne.

Marques authentiques (exemples)

Le faux poinçon

Une lecture trop rapide du poinçon permettrait de bonne foi d'attribuer cet objet à Paris, période 1768-1774. Malheureusement, il s'agit bien d'un faux, car il faut observer de plus près.

Pour la démonstration, je choisis de remettre côte à côte les schémas fidèles du vrai et du faux poinçon, sans oublier bien sûr les clichés des poinçons authentiques auxquels il est utile de se référer:
vrai poinçon faux poinçon
vrai poinçon
faux poinçon
- premier défaut flagrant, d'ailleurs suffisant pour identifier cette fraude, le faussaire "oublie" les petites volutes feuillagées de la jambe gauche du A,

- la couronne fermée du vrai poinçon est surmontée d’une petite fleur de lys, que le contrefacteur omet de représenter,

- les proportions de la couronne ne sont pas respectées, le fraudeur la représente avec une hauteur surdimensionnée, de même les fleurons (fleurs de lys) du faux poinçon sont beaucoup trop petits.

En revanche, il est indéniable que le faussaire montre une certaine habileté en reproduisant un poinçon tronqué, souvent observé ainsi sur les objets.
 

Références et autres commentaires

- Pour une bonne lecture des poinçons authentiques, le lecteur pourra utilement se référer à mon article intitulé "Les poinçons parisiens du règne de Louis XV", publié sur ASCAS en novembre 2008 (n° 103).

- En définitive, ce type de fraude est moins redoutable que celle constituant à reproduire des poinçons français désormais bien connus et reproduits dans de nombreux ouvrages, mais en ciselant ces poinçons plutôt qu’en les frappant. Une imitation beaucoup plus difficile encore à identifier!

Christophe Ginter
- 2010 -
Christophe Ginter is the author of the book LES 6000 POINCONS DE L'ORFEVRERIE FRANCAISE SOUS LOUIS XVI (1774/1791)
(click here for book review in December 2009 Newsletter)