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  English article # 132
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by Michael Carter
 
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Une paire de taste-vin français du XVIIIe siècle

Dans cet article je présente deux taste-vin en argent de l’orfèvre Jacques Famechon, reçu maître à Paris le 15 mars 1770 et travaillant encore en 1787.

Le taste-vin sert à goûter le vin et à en observer la couleur, et il en existe plusieurs modèles au XVIIIe siècle en France, chacun correspondant plus particulièrement à une certaine région vinicole. Ces modèles varient selon la forme de l’anse et la présence ou non de motifs décoratifs. On retrouve ainsi des modèles à anse serpent, à anse enroulée, à appui-pouce, à coquille, à fleur de lys ou encore sans anse. On peut aussi rencontrer le très rare et très recherché modèle dit tasse de chasse, qui est une variante du taste-vin. Ces modèles varient aussi selon leur taille, les plus petits étant utilisés pour les alcools, la taille moyenne pour le vin et les plus grands pour le cidre.
Le modèle à anse serpent, celui des deux taste-vin présentés dans cet article, est l’un des plus courants. Sa région d’origine est la Bourgogne, mais on peut le rencontrer ailleurs, notamment en Auvergne, en Berry et même à Paris. L’anse est formée d’un serpent, d’un amphisbène (serpent semblant avoir deux têtes) ou encore de deux serpents qui se rejoignent au milieu de l’anse soit bouche à bouche soit séparés par un grain de raisin. Le corps des serpents peut être lisse ou recouvert d’écailles.
Avant même de regarder les poinçons des deux taste-vin présentés ici, qui permettent de dater ces objets et d’identifier l’orfèvre qui les a réalisés, on peut remarquer un certain nombre de points en commun qui laissent supposer qu’il s’agit du travail du même orfèvre. Dans les deux cas, l’anse est formée d’un serpent, qui est rapporté et soudé à la partie coupe. Le corps du serpent est recouvert d’écailles et forme une boucle, ce qui permet une prise horizontale. L’ondulation de la queue dessine la forme d’un serpent en mouvement. Quand on regarde ces deux taste-vin d’en haut, on remarque que la tête du serpent est à droite sur l’un et à gauche sur l’autre. On constate que la partie coupe, qui repose sur son fond, est très épaisse et plutôt lourde. A la différence du corps du serpent, elle est lisse et sans décoration.

En France, le taste-vin en argent, objet encore très rare avant la mort de Louis XIV en 1715, a connu son âge d’or au milieu du XVIIIe siècle. A la différence des plats, couverts, bougeoirs et autres objets en argent qui à cette époque garnissait les tables des aristocrates, le taste-vin est "un objet à caractère populaire parfois appelé ... Tasse á Vin Populaire et Personnel, ce qui se justifie par la présence fréquente d’un nom gravé sur le corps".(voir la note)

C’est le cas de l’un des taste-vin présentés ici sur lequel est gravé le nom "CHARLE DEHAIS", sans aucun doute le nom d’un des anciens propriétaires sinon du propriétaire d’origine.
Les poinçons de charge, de jurande et de l’orfèvre sur ces deux taste-vin se trouvent sur le fond tandis que le poinçon de décharge, qui constitue la preuve du paiement de l’impôt, a été insculpé sur le bord, du côté de la tête du serpent. Ce choix de l’emplacement du poinçon de décharge avait bien sûr un but pratique, car il était censé éviter l’enture, mais il avait sans doute aussi un but artistique, car le serpent semble surveiller le poinçon, comme s’il guettait une proie, prêt à mordre celui qui oserait tenter de l’enlever.

Les poinçons de la marque et de jurande relevés sur ces deux taste-vin permettent de les dater à quelques mois ou années près.

Sur le plus petit des deux, qui est aussi le plus ancien, on observe les poinçons de la marque pour les gros ouvrages d’argent en usage du 1er octobre 1768 au 17 novembre 1774 (lettre A couronnée pour la charge et tête de femme pour la décharge) et le poinçon de jurande en usage du 16 juillet 1774 au 14 juillet 1775 (lettre L couronnée). On peut ainsi situer la date d’achèvement de l’ouvrage entre le 16 juillet et le 17 novembre 1774. Quant à la marque d’orfèvre sur ce taste-vin, elle est très lisible et donc facile à identifier comme étant celle de Jacques Famechon.

Sur l’autre taste-vin, on observe les poinçons de la marque pour les gros ouvrages d’argent en usage du 18 novembre 1774 au 12 juillet 1780 (lettre A couronnée pour la charge et tête de bœuf pour la décharge) et le poinçon de jurande en usage du 13 juillet 1776 au 12 août 1777 (lettre N couronnée). On sait donc que le poinçon de jurande a été insculpé entre ces deux dernières dates. L’ouvrage a probablement été achevé peu de temps après. La marque d’orfèvre sur ce taste-vin n’est que partiellement lisible, mais en l’examinant sous la loupe et en la comparant à celle sur le taste-vin de 1774, on constate qu’il s’agit bien de la même marque.

 
NOTE
A. de Charette, Précis d'orfèvrerie ancienne (1986), p. 71  
BIBLIOGRAPHIE
A. de Charette, Précis d’orfèvrerie ancienne (1986).
L. Carré, Guide de l’amateur d’orfèvrerie française (1990).
E. Beuque & M. Frapsauce, Dictionnaire des poinçons de maîtres-orfèvres français du XIVe siècle à 1838 (1929).
C. Ginter, Les 6000 poinçons de l’orfèvrerie française sous Louis XVI (1774-1791) (2009).

Michael Carter
- 2010 -