by Robert
Massart
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L’ARGENT MASSIF EN FRANCE ET LE POINCON DE BIGORNE
INTRODUCTION
En France les maîtres orfèvres possédaient avant 1275, leur propre poinçon afin de distinguer
leurs produits des articles de leurs collègues. Ce poinçon était la seule garantie pour l'acheteur.
Une loi promulguée en 1275 contraignait l'orfèvre d'apposer le poinçon de la ville d'origine et
en 1416 une "Lettre Date" était introduite qui était valable pour toute la France
En 1579, pendant le reigne de Henri III, une taxe générale, appelée "Droit de Remède",
fut créée pour les articles en or et en argent.
Dans le courant de l'année 1674, un vaste mouvement de rationalisation des impôts fut réalisé par
Jean-Baptiste Colbert (note 1) résultant dans
l'instauration de la "Ferme Générale".
En 1784 le système des Lettres Date était remplacé par un système qui attribuait une lettre
spécifique à chaque ville permettant d'instaurer leurs propre Lettres Date.
Jusqu'à la Révolution Française en 1789 une multitude de poinçons furent créées afin de distinguer
les villes d'origine, communautés d'orfèvres (qui controlaient la teneur en argent du métal et
apposaient la "Jurande" ou marque de garantie), et finalement les poinçons de charge et
de décharge certifiant que les taxes étaient payées basées sur le poids de l'article en argent).
En France, l'objectif le plus important des poinçons de l'argent massif est de désigner le titre du
métal (pourcentage en argent) et sert essentièllement à garantir la pureté et la qualité de l'argent
massif utilisé.
Pendant des siècles la France utilisait un système rigoureux de contrôle et de garantie de la
pureté de l’argent massif des articles produits par les orfèvres. Depuis 1672 jusqu'à la
Révolution Française chaque pièce légitime de l'Ancien Régime possédait quatre poinçons différents:
- Poinçon du Maître Orfèvre apposé par l'orfèvre sur l’article façonné rudimatairement.
Exemples:
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Alexis Dany
(1758-1792)
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Claude-Nicolas Delanoy (1766)
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- Lettre Date / Jurande / Maison Commune pratiqué par le "Fermier Général"
sur l'article en cours de fabrication. Ce poinçon garantissait le taux de l'argent massif. Une
Jurande signifie une corporation ou confrérie en France pendant le 18ième siècle. Exemples:
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1735, Paris
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1775-1776, Paris
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1711, Bordeaux
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1773, Lyon
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- Poinçon de Charge insculpé par le Fermier Général de la juridiction locale, qui
pesait l'article en cours de fabrication et imposait l'orfèvre de la taxe appropriée. Exemples:
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1722-1727, Paris
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1756-1762, Paris
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1783-1789, Paris
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- Poinçon de Décharge pratiqué par le Fermier Général sur l'article fini. Le
poinçon de décharge attestait le payement des droits requis sur l'argent massif et permettait
d'identifier l'origine de l'article. Dès ce moment l'article pouvait être vendu et fut prêt pour
être lancé sur le marché. Exemples de poinçons de décharge pour Paris et le nom du Fermier
Général impliqué:
1717-1722 - Objets de grande taille |
Etienne de Bourges, Charles Yvon, Armand Pilavoine,
Charles Cordier |
1722-1727 - objets de grande taille |
Charles Cordier, Jacques Cottin |
1727-1732 - articles de taille moyenne |
Jacques Cottin, Louis Gervais, Hubert Louvet |
1732-1738 - articles de grande et moyenne taille |
Hubert Louvet |
1738-1744 - articles de petite taille |
Louis Robin, Antoine Leschaudel |
1744-1750 - Objets de petite taille |
Antoine Leschaudel |
1750-1756 - Tête de sanglier - objets de grande taille |
Julien Berthe |
1750-1756 - Tête de poulet - objets de petite taille |
Julien Berthe |
1756-1762 - Objets de petite taille |
Eloy Brichard |
1756-1762 - Objets de grande taille |
Eloy Brichard |
1762-1768 - Tête de chien - objets de petite taille
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Jean-Jacques Prévost |
1762-1768 - Objets de grande taille
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Jean-Jacques Prévost |
1768-1774 - medium articles |
Julien Alaterre |
1768-1774 - objets de taille moyenne |
Julien Alaterre |
1774-1780 - Tête de vache - objets de grande taille
(note 2) |
Jean-Baptiste Fouache, Dominique Compant
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1775-1781 - Tête de singe - objets de petite taille |
Jean-Baptiste Fouache, Dominique Compant
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1781-1789 - Objets de grande taille |
Henri Clavel |
1781-1789 - Objets de taille moyenne |
Henri Clavel |
1783-1789 - Tête de perroquet -
objets de taille moyenne |
Jean-François Calendrin |
1785 |
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1787 |
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1788 |
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1789 |
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Les Fermiers Généraux (note 3)
agissant au nom du Roi avec des contrats de six ans, percevaient les impôts et amassaient
souvent des fortunes immenses, les permettant de jouer un rôle politique et social
important. La "Ferme Générale" fut une des fondations les plus critiquées
pendant la Révolution Française et elle était supprimée en 1790
(note 4).
L'impact de la Révolution sur la vie quotidienne de la population était évidemment aussi subie par
tous les corps de métier comme les orfèvres. Le résultat était qu'entre 1789 et 1797 pratiquement
aucun contrôle existait sur le poinçonnage des objets en argent massif. Les orfèvres profitaient
de cette situation et fabriquaient des articles en argent d'une qualité inférieure. L’association
des orfèvres essayait de remédier la situation pendant cette période de huit ans en créant deux
poinçons avec la tête d'une femme Grecque. Ces poinçons n'avaient cependant pas de valeur de
garantie.
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1793
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1793
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1794 -1797
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1794 -1797
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Remarquez la lettre P à gauche de la tête pour 1793 et le chiffre 1 a droite de la tête pour
la période 1794-1797.
Le travail préparatoire de la législation future relatif au titre et à la perception des droits de
garantie était le résultat de la loi du 19 Brumaire, An VI (1797). La loi prévoyait un ensemble
de poinçons nouveaux: un coq pour le premier titre avec le chiffre 1 pour un alliage de .950 et le
chiffre 2 pour un alliage de .800. Pour Paris les chiffres 1 et 2 sont portés a droite
du coq et pour les départements à gauche du coq. Le poinçon de l'orfèvre devait apparaître dans
un losange avec les initiales du nom de l'orfèvre ainsi qu'un symbole.
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Paris .950
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Paris .800
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Départements .950
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Départements .800
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BIGORNE
Afin de mieux se protéger et de découvrir les fraudes d'objets en argent poinçonnés, les autorités
Françaises instituaient par Ordonnance du 1er juillet 1818, un système de contre-marques à l'envers
du poinçon de garantie. Ces poinçons sont connus sous le nom de Bigornes.
Le terme Bigorne signifie littéralement une enclume à deux cornes et se refère à la forme des deux
cornes de l'enclume. Chaque enclume a deux zones de suppression, une surface plate et une surface
ronde. La surface ronde servait à poinçonner des articles d'orfèvrerie complexes et la corne plate
pour poinçonner les couverts.
Les deux cornes promontoires de la petite enclume étaient gravés intimement avec des
representations d'insectes variés finement dessinées. L'article en argent était plaçé sur la corne
de l’enclume en acier et au moment que le poinçon de garantie était frappé, la force du coup créait
une contre-impression d'insectes au revers de l’article posé contre l'enclume.
BIGORNES INTRODUITES PAR L'ORDONNANCE DU 1er JUILLET 1818, EN USAGE D'AOUT 1819 JUSQU'EN 1838
Il y a trois dimensions de bigornes, ayant des insectes rangés arbitrairement sur un fond uni,
sauf pour la petite bigorne qui avait une corne ronde et une corne plate.
1. La grosse bigorne avec une corne dont les six insectes différents sont gravés à l'intérieur de
divers cadres (triangle, pentagone, parallélogramme, losange, etc).
2. La moyenne bigorne avec la corne gravée d'insectes, mais moins nombreux que sur la grosse bigorne.
Les deux bigornes sont identiques pour Paris et les Départements.
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Notoxus
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Conops
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Saperde
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Grasshopper
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Pantatome
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Bibion
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Saperde & Bibion
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3. La petite bigorne à deux cornes, une plate et l'autre bombée, portant des triangles et
des losanges garnies de dessins linéaires et de lettres.
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Paris
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Départements
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Identiques pour Paris et les Départements
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BIGORNES INTRODUITES PAR LE DECRET DU 30 JUIN 1835, EN USAGE DU 9 MAI 1838
(MODIFIEE EN DECEMBRE 1846)
Ce système est même plus sophistiqué que le précédent, puisque les insectes sont gravés alignés
en relièf dans des bandes parallèles en zigzag séparées par des listels.
Cette série ce distingue encore de la précédente puisqu'un ensemble est prévu pour Paris et
un autre ensemble pour les Départements.
La surface de l'enclume est couverte d'insectes variés, finement dessinés, qui marquent le revers
de l'article au moment qu'elle est frappée à la face supérieure avec le poinçon de garantie.
L'article était placé sur la corne de l'enclume par le Fermier, puis il posait le poinçon Minerve
(ou autre) sur la pièce, et frappait le cachet avec un maillet. De par la force de la frappe les
deux poinçons étaient créés simultanément. Pour cette raison on trouvera toujours un poinçon
de bigorne à l'envers du poinçon de garantie. Suite à la complexité du système, deux frappes
identiques sont impossible.
Trois types de bigornes étaient en vigueur selon la taille de l'objet: la grosse (16 bandes),
la moyenne (13 bandes) et la petite (21 bandes). La corne ronde et la corne plate étaient
utilisées selon la forme de l'article à poinçonner.
Pour Paris les insectes sont représentés en profil:
Pour les Départements les insectes sont représentés à vol d'oiseau:
Les listels séparant les bandes d'insectes sont creux excepté pour les bigornes moyennes
et la corne ronde des petites bigornes ou des rainures minuscules sont couvertes de petits points
qui servent de support pour des articles très fins pendant le poinçonnage et qui empêchent les
poinçons d'apparaître seulement sur les surfaces reposant sur les insectes.
L’article 185 de l’Appendix III de la loi générale Française des impôts qui imposait les bigornes
gravées d'insectes en usage depuis 1838 fut officièllement supprimée par l'Article 9 du Décret
N° 84-623 le 16 juillet 1984.
SOURCES
www.douane.gouv.fr
http://www.silvercollection.it/frenchhallmarks.html
http://www.silvercollection.it/frenchhallmarksold.html
International Hallmarks on Silver collected by Tardy, 2005
reprint
Les fermiers généraux au XVIIIe siècle, Paris, Maisonneuve et
Larose by Yves Durand
note 3 Les Fermiers Généraux furent obligés de payer le Trésorier du Roi la somme
stipulée dans leur contrat, et ils recevaient une part des revenus et une part des surplus
imprévus
note 4 28 Fermiers Généraux furent guillotinés le 8 mai 1794
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