by
Christophe Ginter
(click on photos to enlarge image)
UNE IMITATION DE POINÇONS D'EPOQUE
LOUIS XV (III)
Paris 1733, Maître Thomas GERMAIN, orfèvre ordinaire du Roi
Ce nouvel article reproduit ci-dessous
une succession de poinçons apocryphes frappés sur un plat en
argent produit à Paris à la fin du XIXème siècle, ou début du
XXème siècle.
Le plat en question (voir photo ci-dessous) est tout à fait dans
l’esprit du XVIIIème siècle français, avec ses contours
polylobés et ses doubles filets.
Au revers de cet objet sont observés les poinçons
suivants:
Ces marques sont des reproductions de
poinçons employés lors du règne du roi Louis XV (1723-1774), à
savoir:
- un poinçon de Charge (contrôle fiscal), un A couronné utilisé
à Paris de 1732 à 1738,
- un poinçon de Garantie, la lettre-date R couronnée de Paris
1733-1734,
- enfin, le poinçon du très célèbre orfèvre Thomas GERMAIN,
fournisseur du roi et de plusieurs autres cours européennes,
reçu en 1720 et décédé en 1748.
Ces poinçons ne sont pas authentiques, le plat a bien été
réalisé dans le style du XVIIIème siècle français, mais il est
beaucoup plus récent. On peut aussi noter que le fabricant de
cet objet n'a pas voulu non plus s'encombrer de la difficulté de
reproduire le quatrième poinçon dit de "décharge" qui devrait
compléter la série au XVIIIème, dont la copie est assez
compliquée de par sa petite taille et ses nombreux détails.
Les poinçons authentiques
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Charge de Paris 1732-1738
Gros objets
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Garantie de Paris
Année 1733-1734
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Les différences observées entre
poinçons authentiques et apocryphes sont évidentes:
- quasiment aucun espace entre contours et motifs en ce qui
concerne les faux poinçons,
- forme des contours, toujours trop nets chez les faux poinçons,
- une erreur grossière dans la reproduction du nœud du A du
poinçon de charge, le faussaire se trompe de sens (les "rubans"
orientés vers l’extérieur, et non vers l’intérieur),
- la copie sommaire, presque schématique, du poinçon de garantie
(R couronné), notamment au niveau de la couronne, les détails
sont peu soignés.
A la fin du XIXème siècle et dans nombre de grandes villes
européennes d'orfèvrerie (Londres, Paris ou Hanau en Allemagne
par exemple), la frappe de poinçons apocryphes est tout à fait
courante, les maîtres orfèvres satisfont aux demandes de la
clientèle qui souhaite recevoir des objets frappés de poinçons "anciens"
et si possible prestigieux. Ainsi, une telle pratique n'est
alors pas considérée comme une escroquerie, mais e lle a pour
conséquence de tromper aujourd'hui les amateurs, et aussi les
vendeurs de bonne foi.
Le caractère prestigieux donné à l’objet résulte bien évidemment
de la frappe de la marque de l'un des orfèvres français les plus
renommés de l'ancien régime, Thomas GERMAIN (poinçon aux
initiales TG, surmontées d'une "toison", la toison d'or de la
mythologie, et d'une fleur de lys couronnée).
Ce poinçon est faux, comme le reste. Je reproduis ci-dessous un
résumé de la biographie de cet excellent orfèvre.
Thomas GERMAIN (1673-1748)
Thomas GERMAIN est né le 15 août 1673 à Paris. Il est reçu
maître-orfèvre en 1720. Nommé orfèvre ordinaire du Roi Louis XV
en 1723, il exerce de même pour les familles royales du Portugal,
du Brésil, d’Espagne, du royaume des Deux-Siciles, du Danemark
et pour le Sultan MAHMUT 1er. Le 20 avril 1720, il épouse Anne
Denise GAUCHELET, fille d'un marchand orfèvre. Il fournit la
vaisselle d'or de Louis XV, et en 1726 la toilette de Marie
LECZINSKA, reine de France. Thomas GERMAIN décède le 14 août
1748 à Paris, au Palais du Louvre où il dispose d’un logement
officiel, son épouse Anne meurt le 12 novembre 1758. Le Roi
Louis XV ordonne en 1748 une messe de requiem en l'honneur de
son orfèvre.
Thomas GERMAIN est le créateur de nombre de modèles qui seront
largement repris, notamment par son fils, François Thomas
GERMAIN, né en 1726, reçu maître orfèvre privilégié en 1748, six
mois après le décès de son père.
Il est regrettable de savoir que la plupart des objets produits
par Thomas GERMAIN pour la cour de France ont été détruits,
refondus à la suite des graves crises financières qui
accompagnent le règne du roi Louis XV.
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